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VIE ET TRAVAIL À LA FERME DANS LE CERCLE ARCTIQUE EN NORVÈGE

Dernière mise à jour : il y a 2 jours


Après une année passée au nord du Canada, j'ai eu un véritable coup de cœur pour les paysages polaires. La beauté brute de ces étendues blanches infinies, le soleil rasant l'horizon et le silence que l'on retrouve dans ces contrées éloignées m'ont profondément marquée et m'ont poussée à en faire ma carrière. Mon rêve est devenu clair : devenir guide polaire.


Pour m'y préparer, j'ai décidé de m'installer en Norvège, au cœur de l'Arctique. J'ai trouvé ce travail à la ferme, un peu à l'écart de la grande aventure polaire, mais qui me permet de m'imprégner de cette vie, d’apprendre à comprendre le rythme de cette nature si particulière. Ce n’était pas prévu, mais chaque jour à la ferme me rapproche de mon objectif. Entre les paysages, le travail avec les animaux et l'expérience de la vie ici, je découvre peu à peu ce que signifie vivre dans le nord, et surtout, ce que ça implique vraiment de vivre dans l'Arctique. Je vous raconte mon quotidien dans cet article.



22 Janvier 2025

Arrivée dans la nuit polaire


Mon avion atterrit dans la pénombre de la nuit polaire à l'aéroport de Tromsø. Il est 14h30. Bienvenue dans le cercle Arctique, où la nuit s'éternise tout l'hiver au détriment du soleil qui peine à faire surface.


En franchissant la sortie de l'aéroport, je me retrouve immédiatement les pieds dans la neige. Un beau manteau blanc recouvre le sol et les sommets montagneux au loin, offrant un peu de clarté dans l'obscurité de la nuit polaire. J'aperçois May-Tove qui est venue me récupérer pour m'emmener à la ferme, située à quelques kilomètres en dehors de la ville de Tromsø. Nous avions échangé plusieurs e-mails ces derniers mois, mais c'est la première fois que je la rencontre. Je suis assez surprise qu'elle et son mari m'aient invitée à vivre dans leur maison, en plus de travailler pour eux, sans même me connaître, je lui fait donc part de ma gratitude et la remercie pour leur générosité. Pendant le trajet, elle me parle de son pays, de sa famille et de la ferme dans laquelle elle et son mari ont vécu toute leur vie.



23 Janvier 2025

Premiers pas à la ferme


Au petit matin, alors que mes yeux sont à peine entrouverts, j'enfile ma veste et saute dans mes bottes en me précipitant vers la porte, toute excitée de découvrir les paysages extérieurs à la lumière du jour. Mes pas se fondent dans la neige fraîchement tombée jusqu'à ce que je m'arrête au bord de l'eau pour rester immobile face au paysage qui s'offre à moi. Dans un décor complètement enneigé, j'observe ces petites maisons scandinaves en bois rouge qui sont parsemées aux abords de l'océan ainsi que de sublimes montagnes blanches qui surgissent des îles de l'autre côté de la baie. Au beau milieu de cette scène silencieuse, une pygargue à queue blanche vient survoler la surface de l'eau à la recherche d'une proie tandis que deux loutres s'amusent dans les algues en émettant de petits sons aigües. Quel paradis !


Aujourd'hui est mon premier jour de travail à ferme. J'accompagne May-Tove au poulailler afin qu'elle m'enseigne les processus de collecte, de lavage et de tri des œufs qui ont été pondus pendant la nuit. À peine fini, Tor-Gunnar, le mari de la fermière, arrive avec de la viande de veau fraîchement découpée par l'abattoir. Je m'occupe de trier et peser chaque sachet, afin de les préparer à la vente.


Le couple de fermiers profite de mon arrivée pour entreprendre un projet laissé de côté depuis longtemps. Nous allons remettre sur pied la petite boutique située à l'entrée de la ferme, vide depuis plusieurs années. Ils nous faudra deux journées pour enlever la poussière de patates qui recouvre les meubles et le sol et réorganiser la pièce. A peine le dernier coup de chiffon donné, Tor-Gunnar alimente déjà les étagères et les réfrigérateurs avec des plateaux d'œufs et des sacs de viande de veau. Quelques heures plus tard seulement apparaissent déjà les premiers clients venus du coin qui se sont passés le mot.



24 Janvier 2025

Histoires et des traditions partagées autour de la table


Après une belle journée de travail à la ferme, nous nous retrouvons tous les trois autour de la table pour déguster un bon dîner traditionnel que May-Tove a l'habitude de préparer. Il est seulement 17h, pourtant le soleil a disparu depuis trois bonnes heures et l'obscurité derrière la fenêtre me laisse penser qu'il est bien plus tard. Ceci explique sans doute pourquoi les locaux ont pris l'habitude de dîner si tôt.


Ce soir-là, May-Tove nous a préparé du fårikål - ragoût de mouton - ainsi que du fiskegrateng - gratin de poisson -, le tout accompagné par des patates cuites à la vapeur et du beurre fondu. Dans leur culture, le dîner est le repas le plus conséquent de la journée, il n'est donc pas rare de préparer plusieurs plats, tandis que le petit-déjeuner et le déjeuner ne se résument qu'à quelques tranches de pain, de fromage et de charcuterie accompagnés parfois d'œufs.


Tor-Gunnar profite du repas pour me conter, dans son anglais approximatif, les fois où il partait en mer avec son père pour pêcher le flétan ou la morue et chasser le phoque. Il perpétue maintenant la tradition avec ses trois fils lorsque les belles journées d'été reviennent. Tandis que j'affiche un air intrigué sur mon visage, il se dirige vers le congélateur de la cuisine pour m'en sortir une pièce de viande de phoque qu'il a chassé l'été dernier. Sa femme m'explique qu'ici, les locaux ne pêchent et ne chassent que ce qu'ils mangent et qu'il n'est pas coutume d'en faire leur loisir.



25 Janvier 2025

Découverte de la ville de Tromsø


Pendant ma première journée de libre, je décide de me rendre dans la ville que l'on surnomme "Paris du Nord" - la ville de Tromsø. Cette ville de l'Arctique est située sur une petite île qui est reliée au continent de par et d'autre par de grands ponts traversant le fjord. A bord du bus, j'admire déjà les lumières de la ville qui scintillent dans l'obscurité matinale depuis la rive. Cette ville à l'architecture très moderne garde tout de même une ambiance très scandinave, avec ces jolies maisons en bois colorées. La neige recouvre les trottoirs et les vitrines du centre ville sont illuminées comme en période de Noël. Sur le port, de nombreux restaurants proposent des spécialités culinaires locales - morue, soupe de poisson, filet de saumon. Au milieu des bateaux amarrés, un sauna flottant ouvert au public fait le bonheur des locaux et des touristes venus avec leur serviette de bain sous le bras.


De retour à la ferme, c'est presque l'heure du dîner. Il est 16h et toute la famille s'est réunit, jusqu'aux petits-enfants, pour partager le dîner chez les grands-parents. Ce soir nous mangeons des boulettes de viande scandinaves accompagnées de patates cultivées la saison dernière. Pour le dessert, May-Tove nous a confectionné des lefse norvégiens fourrés avec du fromage local. Ça ressemble d'apparence à des crêpes mais c'est en fait du pain traditionnel norvégien composé de pommes de terre, lait et farine, le tout bien écrasé et cuit sur une plaque chauffante.



27 Janvier

Les moutons, le foin et moi


Retour au travail ce matin après mon premier weekend depuis mon arrivée en Norvège. Tor-Gunnar et son fils, Absjørn, qui travaille aussi à la ferme, m'apprennent à nourrir les moutons et les vaches ainsi qu'à nettoyer l'étable. Ils élèvent environ 80 moutons et une dizaine de vaches, ainsi qu'un taureau et quelques veaux. Les moutons passent tout l'hiver au chaud dans l'étable, mais dès que le printemps arrivera et que les agneaux seront nés, ils seront lâchés dans les pâturages jusqu'à l'automne, dotés d'une puce de géolocalisation.


En début de soirée, la magie opère. De belles aurores boréales se mettent à danser dans le ciel surplombant la ferme. Cela me rappelle de beaux souvenirs de mon année dans le Nord du Canada, où nous partions chasser les aurores boréales tout l'hiver, par des températures souvent glaciales.



28 janvier

Tournée de livraison d'œufs en ville


Aujourd’hui, j’ai fait ma première tournée de livraison seule ! La camionnette est un peu capricieuse à démarrer par ce froid, mais après avoir gratté les vitres gelées et chargé les plateaux d'œufs, les paquets de viande de veau, et quelques bocaux de confiture, je prends la route en direction de Tromsø.


Je commence par un petit café au style scandinave minimaliste, qui nous a commandé 900 oeufs. On m’accueille avec un grand sourire – je crois qu’ils sont curieux de voir une nouvelle tête dans le coin. Je poursuis avec quelques restaurants sur les quais où le poisson semble être la spécialité du menu. Certains chefs me parlent directement en norvégien – je souris poliment, bredouille un "beklager, jeg snakker bare litt norsk" et on finit par se comprendre à grands renforts de gestes. Je me sens étrangement intégrée à cette petite routine locale.



2 février

Aujourd'hui j'ai 27 ans.


En fin d’après-midi, alors que je rentrais à la maison avec les joues rougies par le froid, l’odeur du chocolat chaud et du beurre fondu m’a immédiatement enveloppée. May-Tove avait préparé un gâteau au chocolat moelleux, servi tiède, recouvert d’un glaçage épais et de quelques fruits rouges sortis du congélateur. La famille s’était réunie dans la cuisine, et ils m’ont chanté un happy birthday légèrement maladroit, avec des accents norvégiens qui m’ont fait éclater de rire.


Le ciel s’est dégagé ce matin, et nous avons eu droit à une lumière incroyablement douce. On dit ici que le retour du soleil s’appelle le soldagen. Bien qu’il ait officiellement réapparu depuis quelques jours, aujourd’hui, pour la première fois, j’ai vraiment senti sa chaleur sur mon visage. Nous avons bu notre café dehors, emmitouflés dans nos manteaux, juste pour profiter de ces quelques instants bénis.



15 février

Neige incessante


Aujourd’hui, il neige sans discontinuer depuis l’aube. De gros flocons tombent lentement, recouvrant à nouveau les chemins que nous avions pelletés la veille. J’ai passé la matinée à aider Tor-Gunnar à déblayer la cour de la ferme à coups de pelle et de souffleuse. J’avais l’impression d’être dans une boule à neige géante, et malgré l’effort physique, je ne pouvais pas m’empêcher de lever les yeux toutes les cinq minutes pour contempler le ciel chargé de cristaux blancs.


May-Tove m’a ensuite confié une mission importante : préparer les commandes hebdomadaires pour les clients réguliers. Je commence à reconnaître les prénoms norvégiens sur les fiches : Ingrid, Bjørn, Laila… Une petite communauté fidèle et chaleureuse.



5 Mars 2025

Nuit sous les lumières du nord


Cette nuit, je ne me suis pas couchée. Marek, un ami tchèque rencontré il y a quelques semaines dans un café du centre, m’a proposé de partir à la chasse aux aurores. Il est photographe amateur, passionné par les ciels polaires, et il connaît des coins reculés autour de Tromso où la pollution lumineuse ne gâche pas le spectacle. On a roulé jusqu’à un lac gelé, emmitouflés dans des couches de laine et doudounes, thermos en main, frontales sur le front. Et là… le ciel s’est embrasé. D’abord un fin voile vert ondulant comme une brume, puis des vagues plus intenses se sont mises à danser au-dessus de nos têtes. Le silence du lieu, le craquement de la glace sous nos pieds, et la sensation d’être seuls au monde m’ont bouleversée. J’avais froid aux doigts, mais chaud au cœur.



9 Mars 2025

Tromsø, un air de fête en plein hiver


Petit à petit, je me fais une vie ici.

Le week-end dernier, je suis sortie en ville avec quelques nouvelles connaissances – une bande d’Argentins installés à Tromsø depuis plusieurs mois. Ils travaillent pour la plupart dans la restauration ou comme guides de sorties hivernales. Leur énergie est contagieuse ! Ils m’ont emmenée dans un bar où on danse encore sur de la cumbia à deux heures du matin, même en doudoune. On parle espagnol, anglais, parfois norvégien quand on fait l’effort. C’est un joyeux mélange de langues, de cultures et de rires. Moi qui pensais passer l’hiver ici en quasi-solitude, me voilà à chercher les horaires des bus de nuit pour rentrer de la ville. Je crois que je commence à vraiment m’attacher à cet endroit… et aux gens.



16 Mars 2025

Apprivoiser l'hiver


La lumière s’infiltre un peu plus chaque jour à travers les rideaux de la cuisine. Je profite de son retour pour entreprendre sérieusement mon entraînement de guide polaire. May-Tove m’a prêté une vieille paire de raquettes de neige qu’elle n’utilise plus. Je pars souvent en début d'après-midi après le travail avec un petit sac à dos, une thermos de chocolat chaud et quelques gaufres norvégiennes maison pour pratiquer cette activité hivernale sur les sommets autour de la ferme. J’apprends à lire les cartes, à naviguer avec ma boussole, à repérer les traces d’animaux et à évaluer la météo.


Les jours rallongent à vue d’œil. Le soleil lèche les cimes et colore les fins d’après-midi d’une lumière dorée absolument magique. Je crois que je vis mes plus beaux jours d’hiver.



26 mars 2025

Naissance des agneaux


Cela fait maintenant un peu plus de deux mois que je suis ici, et le temps semble filer à une vitesse folle. La lumière est revenue, et avec elle, une toute autre énergie. Ce matin, j’ai surpris deux mésanges bleues picorant des miettes sur le rebord de la fenêtre – un petit signe que la nature commence doucement à s’éveiller. Le soleil ne se contente plus de frôler l’horizon – il s’élève maintenant assez haut pour illuminer les montagnes enneigées pendant quelques heures. Les ombres s’étirent sur la neige, et j’ai presque oublié à quoi ressemblait un ciel bleu jusqu’à ces derniers jours.


À la ferme, les journées sont bien remplies. Depuis la naissance des premiers agneaux, c’est l’effervescence dans l’étable. Chaque semaine, de nouveaux petits apparaissent, trottinant maladroitement sur leurs longues pattes tremblantes. May-Tove les reconnaît tous : elle a une mémoire incroyable pour les bêtes. Moi, j’apprends à les identifier peu à peu – celui avec la tache noire sur le nez, celui qui bêle plus que les autres, celui qui vient toujours se coller contre moi dès que je passe la tête dans le box.


Tor-Gunnar, lui, a commencé à réparer les clôtures pour la saison à venir. Il m’a montré comment manier le marteau et tendre les fils sans me geler les doigts – mission impossible, selon moi. Ses mains sont marquées par les années passées dehors, mais il travaille avec une douceur et une précision que je trouve fascinante.


Le soir, je continue d’apprendre quelques mots de norvégien. May-Tove me corrige gentiment à chaque fois que je massacre la prononciation d’un mot, mais elle est très encourageante. Je m’entraîne à demander du pain, à parler du temps qu’il fait, à nommer les animaux. Petit à petit, je sens que je m’installe, que je m’enracine un peu plus dans ce quotidien que je n’aurais jamais imaginé vivre un jour.


Je commence à réaliser que cette vie, si simple soit-elle, me fait vraiment du bien. Il y a quelque chose de reposant dans le rythme des saisons, dans les gestes quotidiens avec les animaux, et dans la chaleur des gens ici. J’ai l’impression que le temps ralentit un peu, juste assez pour qu’on puisse enfin prendre une vraie bouffée d’air.




Trois mois dans le nord de la Norvège, et je commence à réaliser à quel point cette aventure change ma vision de la vie. Ici, l’essentiel se trouve dans les petites choses : la chaleur d’un café partagé avec des inconnus devenus amis, la satisfaction de voir une pousse sortir de terre, l'émerveillement face à un ciel parsemé d'aurores boréales. Le quotidien à la ferme n’est pas toujours facile, il demande beaucoup d'efforts, mais il est profondément ancré dans la réalité. Je me sens plus proche de la nature et plus en phase avec moi-même. Chaque jour, j’apprends à écouter ce que la terre et les gens ont à me dire, et je sais que cette expérience me marquera bien plus que je ne pouvais l’imaginer.

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