Ce n’est pas par une quête consciente que mon intérêt pour les peuples autochtones est né, mais plutôt par une succession de rencontres et d’instants suspendus. Je suis d’abord partie pour voir du pays, pour arpenter les reliefs du monde. Mais ce sont les visages, les voix, les gestes ancestraux croisés en chemin qui ont éveillé en moi un élan plus profond : celui de comprendre ce qui vit loin des regards pressés, ce qui se transmet sans bruit mais avec ferveur.

 

Au fil des années, j’ai eu la chance d’approcher ces cultures enracinées dans la terre et dans la mémoire. Les peuples autochtones du monde — qu’ils vivent dans le grand nord, dans les replis de la jungle ou sur les hauts plateaux andins balayés par le vent — m’ont ouvert leurs portes avec pudeur. Ils m’ont transmis des fragments de leurs savoirs : comment lire le ciel, soigner avec les plantes, écouter le silence, marcher avec respect. Leurs langues chantent des mondes que nos cartes ignorent ; leurs mythes racontent des vérités que nos systèmes oublient.

 

Et pourtant, ces gardiens d’un patrimoine culturel unique, ces tisseurs de récits et de rites, font aujourd’hui face à mille menaces : l’effacement de leurs langues, l’expulsion de leurs terres, l’effondrement des écosystèmes qu’ils protègent depuis des siècles, l’uniformisation qui ronge le monde. Ils résistent par la parole, par le chant, par la simple force de vivre selon leurs valeurs.

 

À travers mes récits, je souhaite témoigner de ces croisements de chemins où l’on reçoit bien plus que l’on ne donne. Ces peuples m’ont appris une forme de lenteur, d’écoute, d’humilité. Ce sont eux, bien souvent, qui m’ont rappelée à l’essentiel. Ce carnet est une manière de leur rendre hommage — à leur force discrète, à leur savoir en mouvement, à la beauté fragile de leurs mondes en éveil.