De la passagère à celle qui reste
- Étudiante Vagabonde
- 5 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours
Ma redéfinition du voyage

Soif d’explorer
Il y a trois ans, j’ai pris la route avec un sac bien trop grand et une soif immense de découvrir le monde. Je voulais voir, sentir, rencontrer, apprendre. Je voulais m’imprégner de paysages inconnus, de langues que je ne parlais pas encore, de visages croisés juste un instant mais que je n’oublierais pas.
J’étais une passagère du monde. Légère. Curieuse. Comme portée par un élan que je ne cherchais pas à freiner. Une silhouette qui s’effaçait dans les paysages, une voyageuse éphémère. Je partais souvent, je restais rarement. Chaque semaine, une nouvelle région, une nouvelle rencontre, un nouveau mot étranger. Et en quelques mois à peine j'avais parcouru l'Amérique du Sud et Centrale au travers de randonnées andines et de fêtes caribéennes. Je vivais dans le mouvement. C’était une période intense, vibrante, presque euphorique.
Quand le voyage perd son sens
Cette nuit-là j’étais quelque part entre deux villes argentines, à bord d'un énième bus bringuebalant sur une route de montagne, mon sac en boule à mes pieds et ma tête contre la vitre. J’avais perdu le compte des auberges, des visages croisés, des « Where are you from? » mécaniques. Tout s’enchaînait si vite. Je traversais des paysages magnifiques, des cultures riches, des histoires millénaires — et pourtant, je me sentais vide. Comme si je collectionnais des lieux sans vraiment les habiter, comme si je regardais le monde défiler sans jamais vraiment y appartenir.
Je me surprise à me demander à quoi tout cela rimait. Quel était le sens de cette course effrénée à travers le monde, si ce n’était que de collectionner des images et des anecdotes ? Je ressentais un décalage entre la richesse apparente de mes expériences et la profondeur que j’espérais trouver. Celui-ci a fait naître en moi un besoin urgent de ralentir, de me poser, de réinterroger la manière dont je voyageais.
S’immerger pour exister
Ce besoin de sens a été le moteur de ma transition. Je voulais plus qu’une simple découverte extérieure : je voulais m’immerger, participer, m’ancrer. C’est ce qui m’a poussée à me lancer dans des aventures différentes, plus longues, des expériences où je pourrais vraiment contribuer, apprendre et grandir avec les lieux et les personnes que je rencontrais.
C’est au Costa Rica que cette transition a vraiment pris forme. Là-bas, j’ai décidé de m’arrêter. De m’impliquer. J’ai passé plusieurs mois sur place, les mains dans la terre, à participer bénévolement à des projets locaux. D’abord dans une petite auberge de surf en construction, où l’on bricolait des dortoirs en bois flotté et des douches à ciel ouvert, en rêvant d’un lieu simple et chaleureux pour les voyageurs de passage. Puis sur la côte caraïbe, dans une station de protection des tortues marines. Là, je ne travaillais qu’avec des Costaricains, loin des communautés de backpackers et du confort touristique auquel j'avais pris goût. Juste des nuits à patrouiller sur la plage sous les étoiles, à guetter les traces de tortues dans le sable, à protéger les nids, à apprendre un autre rythme, une autre façon de faire partie d’un lieu. J’ai appris à observer au lieu de consommer, à faire partie d’un lieu sans chercher à le capturer. C’est là, au cœur de ces expériences simples mais vraies, que j’ai compris ce que voulait vraiment dire « voyager autrement ».


Deux ans au Canada : voyager pour appartenir
Après le Costa Rica, j’ai mis le cap vers le nord, sans vraiment savoir pour combien de temps — et je suis restée deux ans au Canada. Deux années à vivre au rythme des saisons, à arpenter le pays en profondeur, non plus comme une passante curieuse, mais comme quelqu’un qui cherchait à appartenir, même temporairement. J’ai enchaîné les jobs saisonniers, dans des lieux que je n’aurais jamais découverts autrement : serveuse dans un bar de village où l’on me glissait des histoires en joual entre deux bières ; guide de traîneau à chiens dans les forêts enneigées du Grand Nord ; employée dans un lodge pour pêcheurs au bout d’un lac que seuls les habitués savaient trouver.


À chaque nouvelle étape, je déposais un peu de mon accent, de mes repères, pour apprendre ceux des autres. Je ne voyageais plus pour voir, mais pour comprendre. Plus pour collectionner des paysages, mais pour tisser des liens. Et plus je m’impliquais dans ces communautés, plus je sentais que mon identité se façonnait autrement : non plus dans ce que je laissais derrière moi, mais dans tout ce que je choisissais d’adopter en route.
Une nouvelle étape en Norvège : le choix de rester
C’est ainsi que, forte de ces expériences profondes à travers le continent américain, j’ai décidé de pousser encore plus loin ma quête de sens en posant mon sac en Norvège à présent. Loin du tumulte des villes , j’ai choisi de m’installer dans une ferme au cœur de l’Arctique. Ce choix n’est pas anodin : je voulais apprendre à vivre dans un environnement polaire, me confronter au froid, à l’isolement, et surtout, m’immerger dans une culture qui m’était encore inconnue. Ici, chaque jour est une invitation à repousser mes limites, à mieux comprendre la nature, mais aussi à vivre à la manière des locaux. La Norvège est devenue pour moi bien plus qu’une étape : c’est un nouveau foyer, un terrain d’apprentissage et de transformation.

Ma nouvelle définition du voyage : habiter plutôt que passer
Plus je m’éloigne de la version de moi qui courait d’un site à l’autre, sac sur le dos et appareil photo à la main, plus je découvre une manière de voyager qui n’a rien à prouver. En m’installant, en travaillant, en vivant au rythme des autres, je ressens une forme de paix que je n’avais jamais connue avant.
C'est ainsi que ma définition de voyager s'est transformée. Voyager, pour moi, ce n’est plus partir. C’est rester. Contribuer à des projets locaux, écouter l’histoire du pays racontée par ses habitants, parler sa langue, apporter quelque chose et recevoir aussi. Ce n’est plus traverser des pays, c’est les habiter un moment, les comprendre de l’intérieur. Apprendre à exister quelque part, même temporairement, comme si c’était chez moi, et ne plus me sentir voyageuse.
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