Trek de la Cordillère Huayhuash : 8 jours dans les Andes péruviennes
- Bianca Vagabonde
- 7 nov. 2022
- 17 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 juil.

Un itinéraire mythique à travers l’un des plus beaux massifs montagneux du monde, entre sommets vertigineux, lacs glaciaires aux reflets turquoise, et immersion dans la culture andine. Voici le récit complet de mes 8 jours sur le trek de la Cordillère Huayhuash, au départ de Huaraz, avec tous les conseils pratiques pour préparer cette aventure unique.
Sommaire
À propos du trek de la cordillère Huayhuash
Récit de mes 8 jours sur le trek Huayhuash
• Jour 1 : Premiers pas dans l’altitude et rencontre avec les géants
• Jour 2 : Carhuacocha, miroir des cimes
• Jour 3 : Les lagunes suspendues et le vertige du col
• Jour 4 : Trapecio et San Antonio : l’épreuve verticale
• Jour 5 : Longue descente vers la civilisation
• Jour 6 : Une montée sans fin jusqu’au ciel
• Jour 7 : Crête panoramique et lac d’émeraude
• Jour 8 : Derniers pas sur les hauteurs
Mes conseils pour préparer le trek Huayhuash
• L’agence avec laquelle je suis partie
• Prix et ce qui était inclus dans le tour
• Liste complète du matériel à emporter
À propos du trek de la cordillère Huayhuash
Cela faisait plusieurs mois que je voyageais à travers les montagnes péruviennes, de vallée sacrée en sommets sacrés. Après mon passage par Cusco et l'incontournable Machu Picchu, une autre silhouette m’appelait, plus sauvage, plus secrète : la cordillère Huayhuash. J’en avais entendu parler comme d’un joyau caché, un des treks les plus spectaculaires au monde, loin des foules, réservé à ceux qui osent l’effort et l’altitude.
Ce massif andin isolé, situé au sud de la cordillère Blanche, trace sa ligne de crête dans le centre du Pérou. En une boucle de 110 kilomètres, le sentier enchaîne des cols vertigineux à plus de 5 000 mètres, longe des lacs glaciaires aux eaux laiteuses, et dévoile à chaque détour des panoramas d’une puissance presque irréelle. Ici se dressent des géants : le Yerupajá (6 617 m), deuxième sommet du Pérou, et le Siula Grande, rendu célèbre par le récit dramatique La Mort Suspendue.
Ce trek n’est pas une simple randonnée. C’est un engagement physique et mental, une immersion en haute altitude, une traversée où le souffle, les jambes et la volonté sont mis à l’épreuve. Il s’adresse aux marcheurs aguerris, à ceux qui ont déjà connu la solitude des grands espaces, et qui savent écouter leur corps. L’acclimatation est non seulement recommandée, elle est vitale. Mais pour qui se sent prêt, l’expérience est inoubliable.
Récit de mes 8 jours sur le trek Huayhuash
Jour 1 : Premiers pas dans l'altitude et rencontre avec les géants
Étape : Matacancha 4 170 m - Mitucocha 4270 m
Distance : 8 km | D+ : 530 m | D- : 500 m | Durée : 4h
La veille, on m'annonce un départ à 4h du matin. Le réveil sonne dans l’auberge encore silencieuse de Huaraz. Sac prêt, je rejoins Margarita, notre guide d'origine quechua. Elle a la quarantaine vive, les yeux rieurs mais le pas déjà décidé. Le jour ne s’est pas encore levé que nous embarquons dans le minibus, encore vide mais chargé de matériel : tentes, gamelles, bouteilles de gaz, et le précieux sac de vivres... Le tour de la ville commence. Un à un, les autres membres du groupe montent dans le véhicule, emmitouflés dans leurs polaires. Sept nationalités, sept personnalités, réunies par l’envie de marcher.
Très vite, les langues se délient : on parle de treks passés, d’attentes, de chaussures, de sacs de couchage. Cinq heures plus tard, après des pistes de poussière et de profonds cahots, nous atteignons Matacancha, point de départ du trek, perché à 4170 mètres.
Là, deux hommes nous attendent : Marco, notre cuisinier au sourire calme, et Alex, le muletier. L’air est frais, vif, et déjà la lumière du soleil mord les sommets alentours. Les visages se crispent sous l’effort dès les premiers pas : chaque montée semble décuplée à cette altitude. Mais l'excitation de se lancer sur les sentiers légendaires du Huayhuash nous porte.
Rapidement, les premiers géants enneigés s’élèvent devant nous : le Ninashanca et le Rondoy, d’un blanc éclatant sous le ciel bleu immaculé. Leur beauté est presque irréelle, coupante, comme une lame dans l’azur.

Nous faisons une pause au col du jour pour savourer les sandwichs préparés par Marco. Le silence règne, coupé seulement par le sifflement du vent et les murmures du groupe devant le spectacle. Dans la descente, le terrain devient plus doux, les herbes hautes dansent, et des chevaux en liberté broutent paisiblement à l’horizon.
À 14h, nous atteignons le campement de Mitucocha, au bord d’un lac glaciaire entouré de moraines. L’après-midi s’écoule lentement : certains se baignent dans l’eau cristalline malgré le froid, d’autres s’allongent au soleil, les yeux fermés. À 16h, le thé et les biscuits sont servis sous la tente mess. Puis, à 18h, un dîner chaud vient clore cette première journée, pendant que le ciel se couvre d’étoiles.
Jour 2 : Carhuacocha, miroir des cimes
Étape : Mitucocha 3 900 m – Carhuac Pass 4650 m – Carhuacocha 4138 m
Distance : 11 km | D+ : 620 m | D- : 600 m | Durée : 6h
Le givre craque sous mes doigts quand j’ouvre la fermeture de la tente. La toile est blanche de glace, figée par la nuit. Je sors la tête et reste saisie : les premiers rayons de soleil embrasent les sommets enneigés face au campement. Leur reflet dans le lac crée une palette d’or, de bleu pâle et de rose pastel. J’oublie la froideur du réveil.

À 6h, nous partageons un petit-déjeuner chaud dans la tente commune. À 7h, sacs sur le dos, nous quittons Mitucocha à pas lents. Le sentier s’élève doucement dans une vallée tapissée de touffes d’ichu, cette herbe andine rêche que le vent fait onduler. Autour de nous, le silence des montagnes est presque solennel.
L’ascension jusqu’au Carhuac Pass se fait dans un rythme calme, chacun concentré sur sa respiration. Le souffle est court, les muscles tirent, mais la beauté du paysage efface la fatigue. Là-haut, une fois le col franchi, le panorama se déploie comme une récompense : on aperçoit, lové entre les sommets, le lac Carhuacocha, d’un vert laiteux, sur lequel flottent quelques reflets de glaciers.

Nous descendons à travers des pâturages fleuris jusqu’au bord du lac, où le campement est déjà monté par Alex. L’après-midi est chaude, lumineuse. On se lave dans l’eau glacée, on fait sécher ses affaires sur des rochers chauffés par le soleil, on lit, on écrit, on joue aux cartes. Un luxe simple, loin de tout.

Jour 3 : Les lagunes suspendues et le vertige du col
Étape : Carhuacocha 4138 m - Siula Pass 4 850 m - Huayhuash 4330 m
Distance : 13 km | D+ : 630 m | D- : 500 m | Durée : 6h
Le réveil sonne à 6h, comme chaque matin. Dans l’air immobile du camp, les sons sont feutrés : le bruissement des duvets, le cliquetis des gamelles de Marco, le souffle du vent sur la toile de tente. Nous partons tôt pour profiter de la lumière matinale, celle qui transfigure les montagnes.
Le sentier s’élève dès les premiers pas, longeant le lac Carhuacocha que nous laissons peu à peu derrière nous. Très vite, nous pénétrons dans une vallée suspendue où s’enchaînent trois lagunes glaciaires aux reflets changeants. Émeraude, turquoise, laiteux... Chaque plan d’eau semble plus lumineux que le précédent, comme s’ils retenaient la lumière entre leurs rives.
Arrivés au Mirador de las Tres Lagunas, le groupe s’arrête, muet. La vue est spectaculaire : en enfilade, les trois lacs s’étagent sous nos yeux, encadrés par les sommets abrupts du Yerupajá, du Jirishanca et du Siula Grande. À l’arrière-plan, les glaciers brillent comme des carapaces de verre.
Alors que nous reprenons la montée vers le col, je me retrouve un moment à marcher seule aux côtés de Margarita. Elle parle peu, mais j’ai remarqué qu’elle s’exprime toujours en quechua avec Marco et Alex. Je lui pose une question simple :— Tu es originaire d’ici ?
Elle me sourit, sans s’arrêter de marcher :— Oui, de Huayllapa. Là où on dormira après-demain. Le quechua, c’est ma première langue. Je l’ai appris bien avant l’espagnol.

Elle m’explique que dans les communautés de la cordillère, le quechua est encore bien vivant, et que les jeunes générations commencent seulement à être bilingues grâce à l’école. Elle me parle de sa grand-mère, qui élevait des lamas dans les hauteurs, et de son enfance passée à parcourir ces vallées à pied. Sa voix est douce, ancrée. Ce sont ses montagnes. Marcher à côté d'elle, ce n’est pas juste suivre une guide — c’est suivre une mémoire vivante de la cordillère.
Le col de Siula, à 4 850 mètres, se gagne dans un dernier effort. Là-haut, la beauté du panorama balaye toute fatigue. On reste longtemps là, à regarder les sommets, comme s’ils pouvaient nous parler.

La descente jusqu’au campement Huayhuash est douce. À notre arrivée, un vieil homme surgit d’une cabane et nous propose… des bières fraîches. L’absurde rencontre de deux mondes : l’un, rustique et sauvage, l’autre, presque touristique. On rit, on trinque, on savoure cette étrange récompense.
Ce soir-là, le ciel est limpide. Les étoiles s’accrochent aux crêtes comme des lucioles. Je m’endors en pensant au quechua, aux femmes des montagnes, et à cette langue que je ne comprends pas, mais que la montagne semble murmurer aussi.

Jour 4 : Trapecio et San Antonio : l’épreuve verticale
Étape : Huayhuash 4330 m – Paso Trapecio 5000 m – Quebrada Guanacpatay 4500 m – San Antonio Pass 5100 m – Retour Guanacpatay
Distance : 15 km (12 km + 3 km A/R) | D+ : 1200 m (700 m + 500 m) | D- : 500 m | Durée : 8h
Margarita sourit ce matin-là : "Aujourd’hui, easy day !". Nous ne savions pas encore que cette phrase resterait gravée dans nos mémoires... pour son ironie.
Dès le départ, le sentier grimpe sèchement dans un décor aride, presque lunaire. La végétation rase a laissé place à une minéralité brute, où la roche ocre tranche avec le bleu éclatant du ciel. L’ascension jusqu’au Paso Trapecio, perché à 5 000 mètres, est rude. Le souffle est court, les muscles tirent, les jambes répondent moins vite. Pourtant, au sommet, la vue vaut chaque goutte de sueur : des crêtes acérées, des vallées déchiquetées, des ombres fuyantes.

Mais l’épreuve ne s’arrête pas là. Après un repas rapide au camp de Quebrada Guanacpatay, Margarita propose une randonnée optionnelle vers le col San Antonio, réputé pour être l’un des plus beaux points de vue du trek. Je repense aux mots d’un randonneur croisé à Huaraz qui m’avait dit : "Tu ne peux pas rater cette vue". Je chausse mes bâtons et j’y vais.
La montée est raide, presque verticale par endroits, et le sentier n’est qu’un filet de gravier instable. On grimpe en lacets courts, parfois à quatre pattes. Mais là-haut, la vue sur la vallée de Jahuacocha et les géants andins est époustouflante. Je reste longtemps assise, muette, presque sonnée.

La descente ? Une glissade contrôlée sur des pierres qui roulent. Les bâtons sont littéralement indispensables. En bas, nos tentes nous attendent déjà, plantées sur un replat herbeux balayé par le vent.
Ce soir-là, au campement, les rires sont plus discrets. On est rincés. On se regarde avec complicité, comme des survivants d’une tempête invisible.
Jour 5 : Longue descente vers la civilisation
Étape : Quebrada Guanacpatay 4500 m – Huayllapa 3500 m
Distance : 13 km | D+ : 100 m | D- : 1100 m | Durée : 6h
La nuit a été calme mais glaciale. Ce matin, la condensation a figé les parois de la tente comme du verre dépoli. Je m’habille à l’intérieur de mon duvet, essayant de ne pas exposer un centimètre de peau à l’air glacial.
Deux membres du groupe émergent péniblement. Leur mine grise ne laisse aucun doute : quelque chose ne va pas. Nausées, vertiges… Peut-être une intoxication alimentaire, peut-être le mal d’altitude. L’un d’eux grimace en silence et monte à cheval. C’est Alex qui l’aidera à redescendre doucement jusqu’au village.
Pour nous autres, la journée commence par une descente progressive à travers une vallée encaissée. Le vent est tombé, et le silence est immense, troué seulement par le ruissellement de la rivière que l’on suit depuis le camp. Des condors tournent au loin, minuscules dans l’azur. Des touffes d’herbe jaune, des buissons de quenua tordus par les éléments, des rochers sculptés par l’érosion jalonnent notre marche.
Le sentier est régulier mais monotone. Alors les conversations reprennent : on parle nourriture — toujours un classique — mais aussi de nos vies “en bas”. Des métiers, des amours, des détours de vie. Le groupe s’est soudé au fil des jours. Ce sont souvent les silences qu’on partage qui parlent le plus fort, mais aujourd’hui, ce sont les mots qui nous ramènent lentement à la civilisation.
Au détour d’un virage, une cascade surgit, puis les premières maisons. Huayllapa, blotti contre la pente, surgit comme une apparition. Des enfants nous observent à distance. Des femmes trient des herbes dans des seaux. Des chiens se roulent dans la poussière. On sent la vie, simple, rude, mais vibrante.
On plante les tentes sur le terrain de foot, une pelouse jaunie par le vent. À quelques minutes de là, une vieille auberge propose des douches chaudes pour 10 soles. Ni une ni deux, j’y cours. Mais le destin est moqueur : au moment où je tourne le robinet, l’électricité coupe. Un jet d’eau glacée m’achève. Je ris, jaune. Au moins, je suis propre.
Dans cette même auberge, une petite boutique vend quelques denrées — des chips, des barres chocolatées, de la bière. Et même du Wi-Fi... lorsqu’il y a du courant. Ce soir-là, tout est coupé. Et quelque part, ça me soulage. J’avais presque oublié que ce monde connecté existait.
Le dîner est plus animé que les autres soirs. Les lumières du village vacillent, un groupe de jeunes passe avec une enceinte crachotante. Mais dans nos tentes, c’est une autre musique qui nous habite : celle des rivières, du vent, des pas sur les pierres.
Demain, on remontera. Vers d'autres silences.
Jour 6 : Une montée sans fin jusqu’au ciel
Étape : Huayllapa 3500 m – Tapush Pass 4800 m – Qashpapampa 4500 m
Distance : 12 km | D+ : 1200 m | D- : 200 m | Durée : 6h
Le village dort encore lorsque nous replions les tentes à la frontale. Dans l’air flotte une odeur de fumée, celle du petit-déjeuner des familles andines. Un coq chante quelque part dans la pénombre. Nous quittons le terrain de foot, et très vite, Huayllapa disparaît derrière nous. Retour au silence.
La montée commence doucement, presque amicalement, le long d’un torrent clair. Mais la douceur est trompeuse : aujourd’hui, 1 200 mètres de dénivelé nous attendent. Et aucune échappatoire.
Le sentier s'enroule dans une vallée étroite où la lumière met du temps à s’infiltrer. L’humidité du matin, les mules qui peinent, les sacs lourds… Chaque pas devient un effort mesuré. Certains écoutent de la musique, d’autres s’isolent dans leur souffle. Moi, je pense à ce que m’avait dit Margarita la veille, pendant que nous attendions notre tour à la popote :"Je viens de la communauté de Llamac. Quand j’étais enfant, je montais avec mes parents vendre du fromage au marché de Huaraz. Aujourd’hui, je guide des étrangers ici, dans les montagnes que j’arpentais pieds nus." Cette confidence m’a accompagnée toute la journée. Elle donnait à chaque pas une autre épaisseur, un ancrage. Ce n’était plus seulement un trek mais une terre vivante, transmise, foulée depuis des générations.
Vers midi, on atteint le Tapush Pass, un col vaste et pelé, balayé par un vent sec. Ici, le paysage s’élargit à nouveau. Les sommets s’éloignent, la cordillère semble se refermer derrière nous comme une porte que l’on referme doucement. Ce n’est pas le plus spectaculaire des cols, mais c’est celui où j’ai le plus ressenti cette impression d’avoir franchi un seuil, d’avoir basculé vers la fin du voyage.
La descente est douce jusqu’au campement de Qashpapampa, un plateau isolé. Quelques blocs de pierre, de l’herbe rêche, et nos tentes, minuscules dans cette immensité. Ce soir-là, tout va très vite : installer son sac, enfiler ses couches, se glisser dans le duvet. Le froid est mordant.
La nuit tombe sans dire un mot. Le ciel est noir et piqué d’étoiles. Je reste un moment dehors, emmitouflée, à écouter le silence. Dans le lointain, un glacier craque comme un vieux plancher. Puis plus rien. Juste nous, et cette montagne immense.
Jour 7 : Crête panoramique et lac d’émeraude
Étape : Qashpapampa 4500 m – Yaucha Pass 4800 m – Jahuacocha 4070 m
Distance : 9 km | D+ : 500 m | D- : 900 m | Durée : 6h
La nuit a été glaciale. Mon sac de couchage n’a pas suffi, heureusement que j’en avais pris deux. Au petit matin, le givre recouvre les tentes, et le souffle forme des nuages blancs à chaque expiration. Mais le ciel est limpide, bleu profond, et la journée promet d’être splendide. À 4 500 mètres, chaque nuit est une bataille contre le froid, et chaque lever de soleil une petite victoire.
Nous quittons le camp pour une montée régulière jusqu’au Yaucha Pass. En approchant du sommet, le paysage s’ouvre sur une crête dégagée. Là-haut, la vue est vertigineuse : toute la cordillère Huayhuash s’étale sous nos yeux, gigantesque, dentelée, impensable. Yerupajá, Siula Grande, Jirishanca… tous alignés comme dans une fresque mythique, une enfilade de pics acérés, de glaciers suspendus, de vallées profondes. C’est le panorama le plus complet du trek.
Nous déjeunons face à cette toile vivante, dans un silence admiratif. Marco a porté notre pique-nique jusqu’ici, comme toujours, avec une gentillesse discrète. La descente vers le lac Jahuacocha est douce, presque joyeuse. Le sentier serpente à travers un pâturage avant de plonger vers un replat où s’étale un lac émeraude, bordé de roseaux.


Le campement est installé juste au bord de l’eau. La lumière de l’après-midi se reflète sur le lac, les montagnes s’y mirent. C’est le dernier campement de notre trek, et le plus paisible. On se repose, on se lave dans l’eau glacée, on savoure chaque minute. Ce soir, le crépuscule nous offre un dernier tableau doré, comme un adieu silencieux.

Jour 8 : Derniers pas sur les hauteurs
Étape : Jahuacocha 4070 m – Pampa Llámac Pass 4300 m – Llamac – Huaraz
Distance : 8,3 km | D+ : 500 m | D- : 1000 m | Durée : 5h
Le dernier matin. Il flotte dans l’air quelque chose de doux, de mélancolique. Nous partageons un petit-déjeuner simple sous la tente mess. Les sourires sont tendus, entre la fierté d’avoir tenu huit jours et la tristesse de voir cette aventure s’achever.
Nous grimpons tranquillement jusqu’au Pampa Llámac Pass, dernier col du trek. Un dernier effort pour un dernier regard sur la cordillère. Derrière nous, les pics disparaissent lentement. Devant nous, la vallée s’ouvre, les villages réapparaissent.
La descente est longue, sur un sentier poussiéreux. Les genoux grincent, les pieds protestent. Mais déjà, des enfants courent à notre rencontre dans le village de Llamac. Le minibus est là, prêt à nous ramener à Huaraz. On se serre la main, on remercie Margarita, Marco, Alex. On leur laisse un pourboire, un mot, un regard.
Et puis on part, le corps fatigué, l’âme pleine.
Une marche vers l’essentiel
Huit jours à marcher, à respirer lentement, à se confronter à l’altitude, au froid, au vent… mais surtout à soi. Huit jours à se défaire du superflu pour ne garder que l’essentiel : un sac, une tente, des compagnons de marche, et cette nature brute, démesurée, qui chaque jour m’a arraché un souffle, un silence, un regard neuf.
Le trek de la cordillère Huayhuash n’a rien d’un itinéraire de carte postale lisse. Il est exigeant, parfois rude, souvent imprévisible. Mais il offre en retour une intensité rare. Chaque col franchi, chaque lac glaciaire aperçu, chaque bivouac planté face aux montagnes semble graver un peu plus profondément en soi le goût de la lenteur, de la sobriété, de la beauté vraie.
Ce n’est pas seulement un trek. C’est une immersion. Une rupture avec le bruit du monde. Une école d’humilité et d’émerveillement. Et si l’on revient, ce n’est jamais tout à fait comme avant.
Merci, Huayhuash, pour ces jours hors du temps. Merci pour la poussière dans les chaussures, les rires autour du thé brûlant, les bivouacs étoilés, et ces souvenirs que même le retour à la ville ne pourra ternir.
Mes conseils pour effectuer le trek Huayhuash
Avec ou sans guide ?
C’est souvent la première grande question que l’on se pose : faut-il partir avec une agence, ou tenter l’aventure en autonomie ? Avant de me lancer, j’ai longtemps hésité. J’ai déjà fait des treks seule, je savais lire une carte, et l’idée d’une immersion totale me tentait. Mais j’ai finalement choisi de partir sur un trek guidé avec une équipe locale — et ce choix a tout changé, je vous explique pourquoi.
D’abord, en tant que voyageuse solo, c’était l’occasion de rejoindre un petit groupe et de vivre cette aventure partagée, plutôt que de marcher huit jours en silence avec moi-même. L’isolement du Huayhuash est total : pas de réseau, peu de monde, et un environnement parfois rude. Partager les bivouacs, les repas sous la tente, les fous rires au sommet et les silences au col... ça crée des liens rares. Sans ce groupe, l’expérience n’aurait pas eu la même intensité humaine.

Ensuite, il y a l’aspect logistique — que beaucoup sous-estiment. Car partir en autonomie, ce n’est pas forcément moins cher, mais ça demande beaucoup plus de préparation. Entre un taxi privé pour rejoindre Matacancha (le point de départ est isolé — aucun transport public ne s’y rend), un autre pour revenir de Llamac à Huaraz, les repas lyophilisés, la location de mules pour alléger son sac, les droits d’entrée à chaque communauté (entre 20 et 40 soles par village, soit plus de 200 soles au total), l’achat ou la location de tout le matériel de camping, si vous n’êtes pas déjà équipé... au final, on frôle le tarif proposé par une agence locale.
Un autre argument, non négligeable : le cheval de secours, qui peut faire toute la différence en cas de mal aigu des montagnes ou de blessure.
Dernier point, mais pas des moindres, le balisage est inexistant sur le trek. Le sentier est plutôt bien visible au sol mais il arrive que plusieurs se croisent, sans qu'il n'y ait aucune signalétique. Soyez donc confiant en vos compétences de lecture de cartes si vous vous engagez sans guide.
Le choix de partir avec un groupe et un guide m’a ainsi permis de me concentrer sur l’essentiel - marcher, contempler, respirer, m’émerveiller.
Partir en autonomie peut offrir une forme de liberté, si vous ne souhaitez pas suivre le rythme d'un groupe par exemple, mais sur un trek aussi exigeant dans des environnements et des altitudes peu habituelles, j’ai préféré la profondeur du lien humain et la sérénité de l’accompagnement.
L’agence avec laquelle je suis partie
Je suis passée par Krusty Hostel, une auberge de jeunesse à Huaraz qui organise des départs pour le Huayhuash avec guide, mules, cuisinier et équipement. L’ambiance y est familiale, et les départs se font en petit groupe (entre 6 et 11 personnes).
Margarita, notre guide, était d'origine quechua. Elle connaît chaque sommet, chaque pierre du chemin. Elle est ses co-équipiers qui s'occupaient des mules et de la cuisine ont également été formidables.
👉 Contact : Whatsapp : +51 975315694 / Instagram : @krustyhostelhuaraz
Prix et ce qui était inclus
Le trek de 8 jours m’a coûté 1 500 soles, soit environ 380 € (novembre 2022). Un tarif très raisonnable vu les prestations incluses :
Transport aller-retour depuis/vers Huaraz
Tous les repas quotidien (petit-déj, snack, déjeuner, goûter, dîner)
Eau potable chaque jour
Guide professionnel parlant anglais
Cheval de secours
Mules pouvant porter jusqu’à 5 kg de bagages par personne
Matériel de camping (tente, matelas, sac de couchage)
Organisation de toutes les entrées dans les communautés locales
Ce prix n’inclut pas l'entrée dans le parc national (250 soles) et le pourboire que l’on donne à la fin (prévoir environ 10 % du prix total à répartir entre guide, cuisinier et muletier).
Liste du matériel à emmener
Voici la liste complète de ce que j’ai trouvé indispensable pour ce trek :
🎒 Sac à dos 30-40L pour la journée
💧 Poche à eau (2L minimum)
🥾 Chaussures de randonnée montantes, robustes
🩴 Sandales confortables pour le campement
🦯 Bâtons de randonnée (essentiels selon moi, surtout dans les descentes)
🧦 Chaussettes de randonnée et chaussettes très chaudes pour la nuit
🧤 Bonnet, tour de cou, gants
🧥 Veste imperméable et pantalon de pluie
👕 T-shirts manches longues (contre le soleil) et manches courtes
🧣 Legging ou pantalon chaud pour la nuit
🧘♀️ Polaire chaude ou doudoune
😎 Lunettes de soleil, crème solaire
🧴 Baume à lèvres (le vent est sec)
🧻 Papier toilette (aucun campement n’en fournit)
🔦 Lampe frontale + piles
💤 Sac de couchage (fourni par l’agence si tu pars avec un guide mais tu peux en prendre un deuxième pour superposer si tu crains le froid.)
🩲 Maillot de bain pour les lacs (optionnel mais appréciable)
🧴 Savon biodégradable
🧺 Serviette microfibre
⚡ Batterie externe (aucun accès à l’électricité pendant 8 jours)
🩺 Trousse de secours (pansements, désinfectant, paracétamol, médicaments pour maux de tête et maux d’altitude, Imodium...)
🔧 Kit de réparation (fil, aiguille, scotch réparateur type duct tape)
Astuce : pensez à emballer vos affaires dans des sacs de congélation ou des sacs étanches. L’humidité, la poussière, ou une chute dans un ruisseau sont vite arrivées.
La meilleure saison
La meilleure période s’étend de mai à septembre, pendant la saison sèche. Les nuits sont froides, mais le ciel est souvent dégagé. Les mois de juin à août sont les plus stables. J’y étais fin octobre — une période déjà un peu instable — mais j’ai eu une météo incroyable. Ciel bleu presque chaque jour, nuages l’après-midi, quelques gouttes la nuit.
⚠️ En saison des pluies (novembre à avril), certains cols peuvent devenir impraticables à cause de la neige ou des glissements de terrain.
Condition physique et acclimatation
Le trek n’est pas très technique, mais il est physiquement exigeant. Les distances quotidiennes sont raisonnables, mais l’altitude est l’ennemie principale. Dormir chaque nuit autour de 4 300 m, passer des cols à plus de 4 800, ça use. Et ça demande une bonne préparation.
💡 Mon conseil : restez à Huaraz au moins 4 à 5 jours avant le départ, et faites plusieurs randonnées d’acclimatation comme celle qui mène à la Laguna 69 (4 600 m) ou à la Laguna Churup (4 450 m).
Évitez l’alcool, buvez beaucoup d’eau, dormez bien, et apprenez à écouter votre corps. Des médicaments contre le mal d’altitude (comme le Diamox) peuvent être utiles pour certains, mais l’acclimatation reste la meilleure prévention.
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