Festival Riddu Riđđu : au carrefour des cultures indigènes du monde
- Bianca Vagabonde
- 13 juil.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 juil.

Chaque été, au nord de la Norvège, un petit village côtier devient le théâtre d’une rencontre rare entre cultures autochtones venues des quatre coins du monde. À Olmmáivággi, sur les terres ancestrales du peuple sámi — les habitants autochtones du nord de la Scandinavie —, le festival Riddu Riđđu s’élève comme une clameur douce. Un chant ancien qui traverse les montagnes et invite à écouter autrement.
Cette année, j’ai découvert le festival pour la première fois en tant que bénévole. Une manière de contribuer modestement à la mise en place de cet événement, tout en observant de l’intérieur ses dynamiques humaines et culturelles. Ce rôle m’a permis de tisser des liens plus directs avec les artistes et les visiteurs, et de m’immerger pleinement dans cet espace de partage où les cultures indigènes prennent la parole avec force et dignité.
Le festival Riddu Riđđu : une célébration autochtone sous le soleil de minuit
Porté par et pour les peuples autochtones, le festival Riddu Riđđu offre un cadre unique où les traditions vivantes du Sápmi entrent en dialogue avec celles d’autres communautés indigènes du monde. Bien plus qu’un simple événement culturel, c’est un espace où s’expriment des identités longtemps marginalisées. Un lieu de transmission, de création, et de résistance joyeuse, où les peuples autochtones partagent leurs chants, leurs récits, leurs danses et leurs traditions.
Le nom Riddu Riđđu vient de la langue sámi et signifie littéralement « petite tempête sur la côte ». Chaque année depuis 1991, il rassemble pendant quelques jours de juillet artistes, penseurs, activistes, conteurs, musiciens et curieux venus du Sápmi, du Groenland, d’Alaska mais aussi d’Amérique Centrale ou encore d’Océanie. Un moment suspendu, où les frontières géographiques s’effacent pour laisser place à un dialogue entre les peuples racines.

J’y suis allée poussée par la curiosité, l’envie de mieux comprendre cette culture sámi que je côtoie depuis plusieurs mois en vivant dans le nord de la Norvège, et surtout le besoin de sentir que d’autres chemins sont possibles, en dehors du tumulte du monde moderne.
Ce que j’y ai découvert a largement dépassé mes attentes. Ici, tout parle du territoire : les tentes lavvu (habitat traditionnel sámi en forme de tipi) dressées dans l’herbe, les familles réunies autour du feu assis sur des peaux de rennes, les costumes traditionnels portées par les festivaliers et les montagnes qui bordent le campement comme un cercle protecteur.
Une atmosphère à taille humaine et un programme engagé

Ce qui frappe d’emblée, c’est l’atmosphère. Chaleureuse, familiale, profondément engagée. Pas de foule écrasante, pas de surenchère commerciale. Ici, on campe dans les prés qui bordent le site, on partage un café bouilli sur un feu ouvert, on écoute un concert les pieds dans le sable ou on apprend quelques pas de danse traditionnelle dans l’ombre d’une tente lavvu. Tout semble inviter à ralentir, à se relier, à être pleinement présent.

Le programme, à lui seul, dit beaucoup de l’esprit du festival. Concerts, projections de films autochtones, débats sur les droits culturels, ateliers de tissage ou de cuisine traditionnelle, performances artistiques, récits oraux : autant de formes d’expression qui cohabitent sans hiérarchie, à la croisée des générations, des langues, des traditions et des territoires. Loin du folklore figé que l’on associe parfois à ce type d’événement, Riddu Riđđu célèbre des cultures en mouvement, enracinées mais vivantes, en perpétuelle réinvention.
Partout, la transmission est à l’œuvre. Des enfants courent librement entre les tentes, pendant que leurs aînés s’initient au tissage, au forgeage, ou au tannage de peau de poisson sous l’œil patient d’artisans venus de tout le Grand Nord. Un peu plus loin, un atelier de couture enseigne les gestes précis pour confectionner un gákti, l’habit traditionnel sámi, symbole fort d’identité et d’appartenance. Chaque espace devient une scène discrète de savoir partagé, un fragment de culture transmis, sans discours, dans le simple geste répété.

Parmi les moments forts, j’ai assisté à un joik traditionnel (chant sámi) combiné à des arrangements contemporains, où la voix nue du chant ancestral rencontrait les vibrations électroniques d’un synthétiseur. Un après-midi, c’est une danse de masque venue du Groenland qui m’a bouleversée par sa puissance symbolique : un corps habité, masqué, glissant entre rires, peurs et mémoire collective. Chaque geste semblait chargé d’histoires anciennes, racontées sans mots. Le dernier soir, c’est un spectacle de danse venu du Canada qui a fait résonner le sol sous les pieds d’un cercle silencieux.

Le soir venu, les concerts se prolongent sous le soleil de minuit, dans une lumière irréelle qui baigne la scène et les visages. On ne sait plus très bien s’il est tard ou tôt, si c’est la veille ou le lendemain — seul compte le présent vibrant de la musique partagée.
Il ne s’agit pas ici de consommer de la culture, mais d’entrer en relation. Chaque proposition artistique devient une invitation à écouter autrement, à remettre en question nos repères, à faire place à d’autres récits du monde.
Dans les coulisses du festival : mon expérience de bénévole
Participer à Riddu Riđđu en tant que bénévole, c’est entrer dans les coulisses d’un festival qui repose en grande partie sur l’engagement de sa communauté. Avant même l’ouverture officielle, on s’affaire à monter les tentes, organiser les espaces, installer les équipements. Pour ma part, j’ai travaillé au stand de restauration, où je servais des plats typiquement sámi à base de viande de renne avec une équipe chaleureuse et pleine d’humour. Le rythme était soutenu, mais dans cette agitation bienveillante, j’ai trouvé un véritable sentiment d’appartenance.

Chaque matin, nous nous retrouvions entre bénévoles sous la grande tente qui nous était réservée pour avaler quelques gaufres en guise de petit-déjeuner, les yeux encore endormis après une nuit festive. C’était un moment essentiel avant le tumulte des concerts et des services. Les liens se tissaient au fur et à mesure que les journées défilaient. J’ai appris à tricoter quelques rangs grâce à une femme norvégienne plus âgée, qui me guidait calmement pendant qu’on parlait du festival comme d’un rituel d’année en année. Au camping, j’ai longuement discuté avec un jeune Américain, étudiant les musiques autochtones contemporaines, venu tout spécialement pour découvrir les scènes du Nord. Et puis un soir, à la lumière encore vive de minuit, j’ai échangé avec un Français installé plus au nord que moi, qui m’a parlé de ses recherches en agriculture arctique et de ce que signifiait, pour lui, vivre au rythme de la terre dans ces latitudes extrêmes.
Ces rencontres ont tissé la trame invisible de mon expérience à Riddu Riđđu. Être bénévole ici, c’est bien plus qu’apporter une aide : c’est faire corps avec un événement profondément collectif, où chaque conversation, chaque sourire, chaque pause partagée participe de l’ensemble.
Une expérience qui marque
Ce festival m’a bouleversée plus que je ne l’aurais imaginé. Il m’a montré que la culture n’est pas un folklore figé, mais une force vivante, mouvante, capable de relier les générations, les peuples, les territoires. Il m’a rappelé l’importance des récits, du silence aussi. Il m’a appris qu’il existe des milliers de façons d’habiter le monde, de le célébrer, de le défendre. Et que les peuples autochtones, malgré l’histoire, malgré l’oppression, sont debout. Debout et lumineux.

En quittant le festival, j’avais le cœur plein de tambours, de regards et de gratitude. Gratitude envers les organisateurs, les volontaires, les artistes, les habitants de Manndalen. Gratitude envers les Sámis pour leur accueil, leur force tranquille, leur résistance joyeuse. Et la certitude que l’avenir se construira aussi avec ces voix-là, trop longtemps tues, qui aujourd’hui se relèvent pour chanter le monde autrement.
Préparer sa venue à Riddu Riđđu : quelques conseils pour une expérience respectueuse et immersive
Si l’idée d’assister au festival Riddu Riđđu t’inspire, voici quelques repères pour vivre l’expérience pleinement — et respectueusement.
🗺️ S’y rendre
Le festival se déroule à Olmmáivággi (Manndalen), un village situé au nord de la Norvège. L’aéroport le plus proche est celui de Tromsø, d’où il faut compter environ 3h de route (ou de bus) pour rejoindre le site du festival. Tu peux checker les horaires de bus et acheter ton billet sur Svipper.no. Il est aussi possible de venir en stop ou en covoiturage — la communauté est accueillante et solidaire.
🏕️ Hébergement
Le plus simple (et convivial) est de camper sur place. Une grande zone de camping est prévue autour du site du festival. Prévois une tente, un matelas isolant et des vêtements chauds, même en été : les nuits peuvent être fraîches malgré le soleil de minuit. Si tu préfères plus de confort, il y a quelques logements chez l’habitant ou dans les villages voisins, mais ils partent vite.
🍽️ Nourriture
Sur le festival, un stand propose de la restauration locale, avec notamment des plats à base de viande de renne, du café traditionnel et des options végétariennes. Pour les bénévoles, un dîner gratuit est servi le soir dans la tente des volontaires. Tu peux aussi apporter ta propre nourriture, surtout si tu campes.
🎟️ Billets et bénévolat
Les billets sont en vente sur le site officiel du festival. Il est aussi possible de s’inscrire comme bénévole quelques mois à l’avance : une belle manière de s’impliquer, de créer du lien et de découvrir le festival de l’intérieur.
🎒 À glisser dans ton sac : la checklist Riddu Riđđu
Le festival se déroule en pleine nature, au nord du cercle polaire. Même en été, le climat peut être capricieux… Voici quelques indispensables pour profiter du festival sans mauvaises surprises :
🏕️ Équipement de camping (tente, tapis de sol isolant, sac de couchage adapté aux températures fraîches)
💧 Gourde réutilisable
☀️ Crème solaire
🦟 Anti-moustiques
🌧️ Poncho ou veste imperméable
🥾 Chaussures ou bottes imperméables
🔋 Batterie externe (powerbank)
🛏️ Masque pour les yeux & boule Quies (soleil de minuit)
🧣 Vêtements chauds (les journées peuvent être chaudes mais les soirées restent assez fraîches dans l'Arctique en été, privilégie les couches : sous-vêtements thermiques, laine, polaire, coupe-vent)
🧼 Serviette et maillot de bain (douche à disposition et rivière à côté du camping pour les plus courageux)
🧭 Et surtout…
Laisse-toi surprendre. Riddu Riđđu ne ressemble à aucun autre festival. Tu y découvriras des musiques nouvelles, des gestes anciens, des histoires puissantes — et peut-être, une autre manière d’être au monde.
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